L'instant manga #4: Shingeki no Kyojin

Publié le par Mocking Crow

L'instant manga #4: Shingeki no Kyojin

Comme chacun le sait l'humanité a bien failli disparaître au VIIIème siècle suite à l'apparition inexpliquée de superprédateurs : les titans. Fort heureusement, malgré la disparition des 3/4 de la population mondiale, les humains du monde entier ont pu ériger une immense muraille d'une quarantaine de mètres de hauteur, totalement indestructible et abritant la dernière citée humaine. Après un siècle de tranquillité relative, un titan de 60 mètres fit son apparition et parvint à créer une brèche dans le mur Maria, laissant ainsi une nuée de titans pénétrer dans le district de Shiganshina et massacrer quasiment tous les habitants. C'est dans cette ambiance particulièrement animée que l'on fait la connaissance du héros, Eren Jäger, sa soeur adoptive, Mikasa Ackerman et son meilleur ami, Armin Arlelt. Et on commence fort, puisque la mère d'Eren se fait dévorer par un titan dans une explosion d'hémoglobine sous les yeux de celui-ci. Passé ce petit incident, Eren va décider de prendre sa revanche en intégrant les bataillons d'exploration et massacrer tous les titans.

Je n'ai pas le souvenir d'avoir lu dans mes livres d'histoire que l'humanité s'était retranchée dans une immense ville fortifiée, vraisemblablement située dans l'Est de l'Europe, mais bon passons. Shingeki no Kyojin (ou L'Attaque des Titans) est un manga difficile à catégoriser. Officiellement c'est un shonen, mais son incroyable violence, sa cruauté tant morale que physique et sa transgression des codes du Shonen traditionnel le définiraient plutôt comme un Seinen. Le monde du manga est sombre, ancré dans la Dark Fantasy et la dystopie, ses personnages sont réalistes et le récit est abordé sous un angle original... en tout cas dans le manga. C'est d'ailleurs de celui-ci dont je vais parler en premier.

Des belles tronches de cauchemar
Des belles tronches de cauchemar
Des belles tronches de cauchemar

Des belles tronches de cauchemar

Un récit à la Tarantino et coup de crayon pas très au point

Le manga se découpe bien différement de la plupart des Shonen. Les deux premiers chapitres  (par ailleurs assez longs : 50 pages) commencent sur les chapeaux de roue, tandis que les années d'entraînement des personnages ne sont dévoilées qu'au compte goutte, privilégiant ainsi une mise en scène dynamique et une psychologie très poussée. Même si on n'échappe pas aux stéréotypes : le héros revanchard impulsif, le mec invincible, l'intello, l'imbécile au bon fond et le boute en train (ici une fille), le traitement global des personnages est particulier. Pour faire simple, les morts sont nombreux et souvent inattendus (un peu comme dans Game of Thrones) et l'évolution des protagonistes est bien pensée (mention spéciale pour la glaciale Mikasa, aussi aimable qu'un battant de porte). Dark Fantasy oblige, les personnages sont très souvent dos au mur et les situations sont bien souvent désespérées, à cela s'ajoute le fait que leurs ennemis ne leur laissent que peu de répit.

Ces ennemis se sont principalement les titans (principalement, parce que le problème vient aussi du gouvernement, mais je n'en dirai pas plus), des créatures disproportionnées avides de chairs humaines aux gueules cauchemardesques, mesurant entre trois et quinze mètres sauf exceptions notables (cf. le Titan Colossal). Possédant une capacité de régénération hors du commun, une peau extrêmement dure et puisant leur énergie dans la lumière du soleil, leur seul point faible réside dans leur nuque. Les humains ont ainsi mis au point un équipement spécial, leur permettant de disposer d'une vitesse et d'une agilité au combat inégalable et surtout leur permettant de lacérer profondément leur point faible. Si de telles créatures ne sont pas sans rappeler le tableau de Saturne dévorant son fils de Goya, pour les plus cultivés d'entre nous (dont je ne préfère pas faire partie) ; l'idée originale provient en réalité d'une rencontre avec un client bourré dans le cybercafé dans lequel l'auteur travaillait. 

La localisation géographique n'est pas précisée, cependant on peut supposer que l'action prend place en Allemagne, l'auteur ayant été fortement inspiré par la ville allemande Nördlingen, qui est justement entourée par un haut mur d'enceinte et a conservé un aspect médiéval (un peu comme Carcassonne en fait). Outre la simple inspiration architecturale, les noms des personnages ont également une forte consonance germanique. Depuis Pacific Rim tout le monde connait la signification de Jäger, mais on a aussi Reiner Braut, Bertolt Hoover, Grisha, Krista Lenz ou encore Jean Kirstein (remarquez on pourrait faire une parodie nazie tranquillou avec ça). Il est également possible que cela prenne place en Russie étant donné que c'est le seul pays dont la superficie totale puisse et abriter l'ultime bastion de l'humanité, et posséder des plaines à perte de vue ; quand on saura où se situe l'océan on sera fixé.

Le gros défaut du manga vient du dessin. J'ai beau ne pas savoir dessiner et pourtant les faits sont là, c'est horrible. Proportions nawak, perspectives fantaisistes et silhouette griffonnées plus que dessinées, non clairement c'est plus un torchon mal lavé qu'autre chose. Fort heureusement, une fois la machine commerciale lancée, Hajime Isayama sensei a pu avoir des assistants, lesquels ont considérablement amélioré le rendu final, même si je me demande par quel moyen le mec a pu être édité. En outre, l'animé a beaucoup plu à l'auteur qui a par la suite affirmé faire des efforts en conséquence sur le manga.

Une introduction qui en jette et une bande-son magistrale (les sous-titres anglais vous éclairent même dans les paroles)

Le blockbuster des animés japonais ?

L'animé est magnifique. L'animation est impeccable, l'utilisation de la 3D irréprochable et la bande-son est superbissime. Il y a de forte chance qu'on se souviendra plus de l'animé que du manga, tant le travail effectué par le Wit Studio est incroyable. A la différence du manga cependant, la narration a préféré restée classique, un parti pris qui ne change strictement rien au fond du récit. Le revers de manivelle étant que l'élaboration d'un animé d'une telle qualité prend plus de temps, à tel point que la seconde saison est toujours en préproduction depuis 2014. Il n'empêche que je ne peux que vous recommander de visionner la première saison, qui n'a rien à voir visuellement avec sa version papier.

Un autre point non négligeable de l'animé réside dans son OST. Celle-ci alterne rock symphonique, orchestration épique et accalmie instrumentale de la plus belle eau. Si le compositeur (Hiroyuki Sawano) s'est fait plaisir à n'en pas douter, les spectateurs en prennent plein les oreilles également, c'est beau et d'une telle qualité qu'on en oublie presque qu'on a affaire à une série télévisée.

Cette chanson à l'instrumentation très pompeuse est devenue rapidement un véritable hit dans la communauté

Il existe également deux films d'animation (que je n'ai pas vu) : L'Attaque des Titans : l'arc et la flèche et L'Attaque des Titans : les ailes de la liberté, sortis respectivement en octobre 2014 et en juin 2015 au Japon. Comme c'est trop con de laisser un tel scénario dans le seul domaine de l'animation, quoi de mieux que d'en faire un film Live ? C'est sans doute ce qu'à penser Tetsuya Nakashima puisque deux films avec des acteurs réels ont vu le jour en 2015. A l'instar de Gantz, l'adaptation est en deux parties sorties à quelques mois d'intervalle. Disponible au Japon, une poignée d'élus français a pu les visionner et leur avis est bien tranché : c'est médiocre. Apparemment la musique est pourrie (hérésie !), les personnages sont une nouvelle fois librement repris et d'une manière générale c'est flemmard. Adieu la construction narrative élaborée et la psychologie approfondie des personnages, place aux incohérences et à la crétinerie scénaristique. Si le résultat est réellement aussi catastrophique, c'est très dommage, c'est même un beau gâchis, puisque l'univers et l'histoire du manga auraient très bien pu trouver sa place dans un roman de science-fiction ou un bon film. 
Edit : Effectivement c'est bien mauvais, c'est même carrément un gros nanar.

A grou grou méchant !

Je vous invite fortement à découvrir ce manga (surtout l'animé), qui mérite parfaitement sa place parmi les meilleurs mangas jamais créés. L'univers tranche radicalement avec ce que l'on peut trouver habituellement et l'auteur adore bousculer tous les codes. Hajime Isayama sensei pense terminer l'histoire en 20 volumes et selon ses dires, il souhaiterait écrire une fin bien traumatisante (dans le même esprit que Brume de Stephen King, en espérant que ce ne soit pas le film) mais envisage de la modifier selon l'attachement des fans pour les personnages. Voilà un auteur qui sait écouter ses lecteurs.

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