Ready Player One (avant le film, il y avait un livre)

Publié le par Corbeau Moqueur

Ready Player One (avant le film, il y avait un livre)
Ready Player One (avant le film, il y avait un livre)

Ready Player One est sans aucun doute l'un des films le plus attendus de cette début d'année, un simple coup d'oeil sur la toile donne un bon aperçu du buzz entourant sa sortie imminente. On en oublierait presque dans l'histoire qu'initialement Ready Player One était bouquin écrit par Ernest Cline  (un geek modeste et de sur-croit tout à fait normal) en 2011, puis traduit en français deux ans plus tard, avant qu'une adaptation ne commence seulement à être envisagée en 2015. A titre personnelle, je suis tombé sur ce bouquin purement par hasard il y a 3 ans (en juillet 2015) et absolument rien dans son apparence n'attestait d'une quelconque envie d'en faire une simili-bible sur la pop culture des "années 80".

Bien qu'une nouvelle édition aille de paire avec la sortie du film, les premières éditions françaises, ne vendaient pas vraiment du rêve d'une quelconque manière que ce soit : une couverture noire, une police jaune rétro, des polygones tout droit sorti d'une Vectrex et un résumé très orienté young adult sans vraiment de conviction... Inutile de dire que maintenant le livre va nous être vendu comme la bible de la pop culture des années 80, il n’empêche qu'à la base, les éditions françaises n'avaient aucune foi en le projet.

Pourtant a bien des égards, le livre est excellent, bien qu'il ait une forte tendance à se noyer dans la nostalgie des "années 80". Années 80s qui sont d'ailleurs extrêmement larges, allant du début des années 70 au milieu des années 90, dans la logique du gros melting-pot culturel de cette période. C'est toutefois le principal argument de vente du livre (et du film) et en fait d'ailleurs une œuvre rêvée pour n'importe quel geek ou fana d'une époque sur-exploitée depuis quelques années ; le livre étalant et enchainant les références au cinéma hollywoodien de cette période (Star Wars, Star Trek, Indiana Jones, Blade Runner, les Monty Python, War Games...), la musique (de la pop au Hard) et surtout les jeux-vidéos (alors là ça va d'un simple jeu, au moindre easter egg contenu dans un jeu anonyme de sorti en loucedé dans un obscure salon d'automne 78, ainsi que toutes les consoles du monde).

Ready Player One (avant le film, il y avait un livre)

Inutile de dire que quand on visualise toutes ces icônes mélangées dans un univers 5 fois plus grand que le notre et qui s'en mette sur la gueule dans bon nombre de pages, le premier mot qui vient est génial, le second est Dieu et le troisième est inadaptable. Pourquoi ? La raison est fort simple, acquérir tout les droits pour utiliser toutes les licences évoquées est juste impossible. Et pourtant, adaptation il y a et nombreux personnages aussi. Pas les mêmes cependant, pour des raisons de droits déjà... et de mégalomanie (les références aux films de Spielberg étant très nombreuses dans le livre, le cinéaste a choisi de ne pas les reprendre pour éviter toute excès de présomption). Mais quand bien même, voir King Kong, Akira, la DeLorean de Retour vers le Futur, Overwatch, des héros de Marvel et de DC comics mélangés (le rêve de beaucoup), Goldorak, Le Géant de Fer, Freddy Krueger... à l'écran en même temps, avouez que ça vend du rêve.

Tout cela au service d'une chasse au trésor virtuel aux conséquences matérielles hors-normes. Certes, c'est pas le genre de scénario le plus outrecuidant qui soit, d'autant qu'il était propice à un étalage constant de fan service nostalgique assez lourdaud (en grande partie à cause de son personnage principal), mais qui offrait au demeurant un rythme soutenu et un suspens maîtrisé... passé le premier quart du livre. C'est d'ailleurs un autre principal défaut du livre : un départ mollasson qui se perd dans les méandres de son univers à la limite de la fan-fiction et la vanité de son personnage principal.

Voilà qui m'évite de résumer le scénario

Ce héros c'est Wade Watts (ou Parzival selon) et passées 10-15 pages, on a tout simplement envie de le tarter, passée 50 pages de le défenestrer et passées 100 pages de l'enfermer dans une pièce sans porte ni fenêtre et le laisser mourir à petit feu. Wade Watts fait partie de tous ces héros Gary Sue que rien, si ce n'est les clichés scénaristiques, ne prédestine à devenir l'élu et/ou le maître du monde. Le genre de personnage qu'on a de cesse de voir ces dernières années, mais qui ici est enrobé d'une grosse couche d'adoration frénétique pour le créateur de l'OASIS (à savoir James D. Halliday... oui le film est sorti pile au bon moment) et qui fait étalage à la moindre page de tout son talent et son génie pour cette passion qu'il hisse au range de seule raison de vivre pour la race humaine. C'est insupportable (le personnage n’arrêtant évidemment pas de montrer qu'il est le meilleur et que les personnes ne connaissant pas le nazi ouvrant une porte en arrière plan dans le bureau de Gobler à la 48min56 d'Indiana Jones, sont des sous-merdes qui ne méritent absolument pas le titre de "gunter" - tous les tarés qui cherchent l'easter egg de James D. Hallyday).

Certes, la force du récit repose sur toutes ces références (d'ailleurs ce ne sont plus des références à ce niveau là, mais des éléments scénaristiques propres), mais la première partie (sur les quatre) donnent vite envie de gazer le quatuor de désaxés qui se partage la gloire. Heureusement, le personnage revoit ses compétences à la baisse par la suite et les choses se calment un peu, il n’empêche que le livre est composé de pas mal d'incohérences liées à l’ego des personnages : Wade a 18 ans, il vit chez sa tante et en 10 ans, il connaît toutes les chansons de tous les groupes anglophones des années 70 à 90 (l'équivalent d'une vie donc), tous les sitcoms, séries et films de cette période (deux autres vies donc), qu'il a vu pour certains 157 fois et bien sur dans le même temps, comme c'est un dieu omnipotent, il a eu le temps de terminer tous les jeux de cette période (deux vies de plus au compteur). C'est pas crédible c'est un fait et cela ne l'est pas plus pour son modèle (Halliday), qui lui est par contre autiste et a consacré sa vie à ça.

Soit, que ce ne soit pas réaliste n'est pas foncièrement un problème... sauf que cela s'ancre dans une société dystopique extrêmement fouillée et dont ce cher Ernest voue des pages entières de descriptions détaillées pour le moindre objet high-tech. Un peu bancal donc, mais très plaisant pour tout les éléments que cela réactualise régulièrement : le tandem Morrow & Halliday rappelle sans concession le duo Wozniac - Steve Jobs (avec des personnalités interverties) et l'Oasis en lui (elle ?) - même évoque Internet, la VR, l'AR, en passant par tous les streaming-live, le Darknet et tous les cybermystères. Pour ce qui est de la qualité d'écriture, donnez moi du papier et un crayon et je ne pourrai à coup sûr pas faire mieux. Que ce soit en anglais ou en français (bonne traduction, très fidèle à la pensée de l'auteur), on est pas dans de la grande littérature, mais c'est loin d’être une mauvaise plume. Les choix de narration sont globalement bons (un peu pataud sur les bords), le style est synthétique mais exhaustifs et les dialogues font vrais (dans le sens où c'est assez proche du parler qu'ont les ados sur internet, sans basculer dans la caricature), d'autant qu'on en apprend énormément sur la pop culture en l'espace de 400 pages !

Un bouquin taillé sur mesure pour l'ami Spiepil

Un bouquin taillé sur mesure pour l'ami Spiepil

Bref, c'est dense, fouillé, très actuel et du sur-mesure pour Spielberg, qui pour beaucoup a connu l'age d'or de sa carrière justement dans ce large tronçon du XXème siècle (nulle besoin d'un "spécialiste" pour nous l'expliquer). Il faut dire qu'à quelques changements prêts, les acteurs annoncées depuis les premières rumeurs du projet n'ont quasiment pas bougé (bien que, John Williams soit finalement remplacé par Silvestri - rarissime) et que toute la prod ne chauffe pas au petit bois, mais au kérosène. Il est quand même étrange que ce film jouisse d'une bonne image auprès de la presse lorsque l'on voit leur point de vue sur Pixels... Décidément, c'est à croire qu'avoir une grande ponte à la réal. peut vraiment tout changer en chef d’œuvre (imaginez si le film avait été réalisé par Michael Bay... pas sur que l'engouement aurait été le même...)

Le projet se porte tant et si bien, que son auteur a décidé d'écrire une suite (c'était à prévoir). Pas un truc prévu de longue date, non tout simplement parce que les idées de Spielberg lui ont donné une bonne bouffée d'inspiration... ou une occasion pour faire du fric facilement (je penche d'ailleurs pour la seconde option, vu la conclusion béton du livre). J'imagine déjà le titre : Press Start to join ou tout simplement Press F5.

C’est vrai. Je ne peux pas trop en parler, mais il n’y a pas meilleure inspiration pour un écrivain que de retourner dans un monde sur lequel il a déjà travaillé et de voir Steven Spielberg lui donner vie

Ernest Cline

Au cas où ce ne serait pas évident, j'aime déjà le film avant même qu'il ne sorte et ce en dépit de l'esthétique 100% numérique et des choix scénaristiques à la Divergente ("Bienvenue dans la Résistance"... hum une impression de déjà-vu me court sur le cerveau... étrange). A voir donc, gardez cependant à l'esprit que si vous avez un problème avec l'histoire ou l'univers, ce sera vers le livre qu'il faudra orienté les tirs... donc ne faites pas ce que la presse va encore faire (oui j'ai une dent contre eux et alors ?!).

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