Le point sur... les Webtoons

Publié le par Corbeau Moqueur

Le point sur... les Webtoons

2017 marque le retour de mes petits points que j'avais quelques peu délaissé depuis le mois d'octobre. Il y en aura donc de nouveau, en quantité moindre (un toutes les deux semaines) et vraisemblablement en alternance avec les mangas, même si je ne garantie rien. Puisqu'on parle de manga (transition oblige), le point du jour va en partie porter dessus. En partie, puisqu'on va parler non de mangas, mais de leur équivalent coréen : les manhwas et plus précisément les webtoons.

Je ne vais toutefois pas m'étendre sur les origines et l'historique du genre, la page wikipédia le fait très bien (et de manière fiable), de même que Babelio. Je serai donc bref : le terme manhwa désigne de manière très large la bande-dessinée coréenne (du sud il va de soit) à l'étranger. A l'instar du manga ou encore du manhua chinois, son style est très dynamique, dispose de sa propre identité visuelle, se décline sous différentes formes (papier, smartphone, tablette et ordinateurs) et a été pas mal bousculé durant l'histoire tumultueuse du pays. Les manhwas entretiennent d'ailleurs d'étroites ressemblances avec leurs voisins, à tel point que nombre d'éditeurs français n'y ont vu que du feu et ont catalogué des publications coréennes dans la catégorie manga. Dans les faits, il est vrai que les trois genres se ressemblent pas mal et décortiquer leurs ressemblances est utile uniquement si l'on veut perdre son temps dans des discussions vaines et subjectives.

Quand je disais que les manhwas ressemblent aux mangas c'est pas pour des prunes
Quand je disais que les manhwas ressemblent aux mangas c'est pas pour des prunes

Quand je disais que les manhwas ressemblent aux mangas c'est pas pour des prunes

Ce qui est toujours bon à savoir en revanche c'est que le manhwa a eu un bon coup de boost lors de l'arrivée du manga (dans les années 80) sur le marché coréen, le premier s'étant inspiré du second pour favoriser son expansion et éviter sa disparition. C'est d'ailleurs ainsi qu'on retrouve un système de classification étrangement similaire à celui des mangas : Sunjeong = Shojo, Sonyung = Shonen et Tchungnyun = Seinen. Après il va de soit que le style varie selon les dessinateurs, les éditeurs, voire la région.

Alors quel rapport avec le webtoon me direz-vous ? Eh bien j'y viens. Les webtoons (mot valise formé des termes web et cartoon) sont la conséquence de l'explosion du net, soutenu par le développement exponentiel du haut-débit en Corée du Sud (qui est l'un des plus importants au monde). Selon un article enflammé de GeekZonele gouvernement aurait aussi décrété dans les années 90 que les BD avaient mauvaise influence sur la jeunesse et que des écoles allaient même jusqu'à organiser des autodafés sur les livres confisqués, ce qui aurait facilité l'apparition et le succès du webtoon. Une information relayée absolument nulle part et hautement improbable lorsque l'on connait le dévouement du gouvernement dans les années 80 pour préserver le manhwa de la domination des mangas.

Donc, dans les faits, les webtoons sont apparus suite à l'explosion du Net et les innovations radicales que proposaient certains jeunes auteurs. Par ailleurs, la société coréenne suit les modes avec une grande rapidité et semble apprécier les objets connectés (Samsung, Samsung), ce qui a facilité le succès de ce nouveau média. Dans les faits qu'est-ce que c'est Jamy ? Pour la faire court, les webtoons sont des manhwas réalisés par des amateurs et des professionnels, publiés et diffusés gratuitement sur internet via des portails spécifiques. Loin d'être une simple photocopie d'un manhwa papier (les coréens ont bien compris que ça ne marcherait pas), leur forme est 100% pensée pour les nouveaux supports de lecture (smartphones et tablettes en tête) : pas de pagination mais une unique et longue page pour chaque chapitre (le plus souvent en couleur), composé d'une succession de cases verticales.

Exemples typiques de webtoon (Tower of God & Noblesse)
Exemples typiques de webtoon (Tower of God & Noblesse)

Exemples typiques de webtoon (Tower of God & Noblesse)

Une formule simple, que certains auteurs agrémentent d'animations, de musiques, d'effets sonores, voire de vibrations et qui a cartonné en moins de deux en Corée, au point de se faire une place croissante à l'échelle internationale. Si pour nous lire sur un smartphone, voire tout simplement un portable, est encore une chose mal aisée, les pays asiatiques n'ont aucun mal avec ça, on trouve même des feuilletons voire des livres publiés sous forme de SMS au Japon (quand on voit le bazar que c'est chez nous pour de simples ebooks, c'est pas demain la veille que ce genre de chose va se populariser ici). 

Le hic, c'est que son succès a plombé pratiquement à lui seul le marché "papier" des manhwas, à tel point que nombre d'éditeurs étrangers considèrent que le manhwa est essentiellement numérique. Une information absolument erronée, dans la mesure où la publication imprimée reste le principal moyen de vente des BD, tandis que nombre d'éditeurs proposent simultanément du contenu numériques et papier. Enfin les manhwabangs, ces bibliothèques et salles de lecture privées de manhwas ouverts 24/24h, sont toujours debout et on aurait tort de les oublier.

En image un manhwabang... avec du monde dedans. Incroyable !

En image un manhwabang... avec du monde dedans. Incroyable !

On doit l'invention de ce nouveau média aux géants sud-coréen Naver et Daum, qui donnent énormément de fil à retordre à Google (pratiquement inconnu là-bas) et utilisaient simplement les webtoons pour générer du trafic sur leurs portails respectifs. Le truc, c'est que le genre a explosé, à tel point que le marché (qui carbure aux produits dérivés, aux ventes papier et à la publicité) s'élève actuellement à 420 milliards de wons, soit 368 millions de dollars ! Depuis de nombreux portails anglophones ont vu le jour, le plus connu d'entre eux étant sans nulle doute Line WebtoonConçu par l'éditeur Line... japonais, il est possible d'y retrouver les traductions officielles des webtoons de Naver Corp., aux côtés de productions écrites directement dans la langue de Shakespeare, le marché du webtoon ayant attiré moult artistes du monde entier en quête de gratitude. On peut même y trouver une adaptation webtoon de Star Wars. A l'heure actuelle, ses concurrents directs sont Spottoon et Tapasticmême s'il semblerait qu'un autre géant coréen (Kakao) ait l'intention d'entrer dans le marché international.

Line Webtoon c'est avant tout du choix, avec beaucoup de bonnes choses.
Line Webtoon c'est avant tout du choix, avec beaucoup de bonnes choses.
Line Webtoon c'est avant tout du choix, avec beaucoup de bonnes choses.

Line Webtoon c'est avant tout du choix, avec beaucoup de bonnes choses.

L'ennui à présent c'est qu'il n'existe officiellement pratiquement aucune traduction française. Hé oui, le webtoon est un format encore inconnu dans l'hexagone et si les BD numériques tentent vaillamment de tirer leur épingle du jeu, le marché français a bien du mal avec tout ce qui touche à la lecture numérique. En conséquence, la seule initiative française officielle à ce jour se limite à Delitoonun pure-player encore en Alpha qui traîne un sévère handicape, puisque passés les deux premiers chapitres de chaque webtoons, les suivants sont payants à raison d'une vingtaine de centimes. Or, dans l'univers du gratuit, décrété d'un coup que telle publication sera payante (car selon eux, je cite : Gratuit ? ça ne veut rien dire, rien n'est jamais gratuit") sur un site avec pour simple argument une traduction officielle de qualité, passe particulièrement mal (bon techniquement ils ont leurs propres séries, mais ça reste des webtoons). Surtout quand le site nommé se targuait "d'inventer une nouvelle façon lire de la BD sur Internet" lors de sa création... en 2011 (pédant, menteur et capitaliste, ça donne envie). Soutenez les si vous voulez, moi je ne vais certainement pas le faire.

Oui delitoon a du contenu, mais instaurer un modèle freemium sur un média entièrement gratuit pour les lecteurs, donne surtout envie de se tourner vers le piratage.
Oui delitoon a du contenu, mais instaurer un modèle freemium sur un média entièrement gratuit pour les lecteurs, donne surtout envie de se tourner vers le piratage.

Oui delitoon a du contenu, mais instaurer un modèle freemium sur un média entièrement gratuit pour les lecteurs, donne surtout envie de se tourner vers le piratage.

Officieusement à présent, de nombreux sites traduisent des webtoons en français (techniquement il est même possible d'accéder à certaines fan trad sur Line Webtoon). Le hic, c'est que si traduire une production diffusée gratuitement sur le net ne semble pas un problème, il faut savoir que les portails officiels (et peut-être les auteurs, à moins que ces derniers ne soient directement rémunérés par les éditeurs) perçoivent des revenus avec le trafic généré. Alors vous pensez bien que voir fleurir des sites sur lesquels sont diffusés leur gagne-pain, ne leur plaît pas vraiment ; c'est pourquoi les sites "pirates" (termes très exagéré, les traductions étant effectué les 3/4 du temps par des bénévoles) sont poursuivis avec acharnement. Maintenant les éditeurs s'en mettent plein les poches, donc est-ce que c'est vraiment utile de pourchasser une poignée d'administrateurs de sites miroirs ? Pas sûr, puisqu'on parle juste d'un manque à gagner et non d'une véritable perte de revenus.

Toujours est-il que même en français il y a moyen d'en lire si vraiment on ne maîtrise pas du tout l'anglais et on aurait tort de se priver, parce qu'il y a du choix, beaucoup de choix. Parmi les plus connus et/ou rencontrant le plus de succès, on trouve : Tower of God, Noblesse, Winter Woods, Bastard, Lastman, The God of High School, Ecstasy Heart, Nightmare Factory, DICE, Catharsis ou encore The Gamer. C'est justement de ce dernier dont je vais parler à présent, quoi de mieux après tout que de s'attaquer aux webtoons avec un exemple concret.

The Gamer est un excellent webtoon, voire plus si l'on apprécie l'univers du jeu-vidéo. Le scénario est assez simple et prend (trop) son temps pour développer son intrigue et ses personnages, mais il est efficace et clairement... ce serait cool si la vie était ainsi. On suit donc le quotidien de Jee-Han HAN (ou Jihan selon la traduction), un lycéen ordinaire, dans un lycée ordinaire qui a cependant développé la capacité un beau matin de percevoir le monde qui l'entoure comme un joueur de MMORPG. Ainsi les humains qui l'entourent voient leur nom s'afficher au-dessus de leur tête, ainsi que leur niveau et leur titre, tandis que chaque action de Jee-Han lui rapporte des points d'expérience et augmente ses compétences et ses stats. En moins de deux jours, il va se retrouver au milieu d'un duel, dégommer des zombies, gagner du fric sur leurs cadavres, découvrir que son meilleur ami n'est pas ordinaire non plus et pénétrer dans le monde des abysses.

Le point sur... les Webtoons
Le point sur... les Webtoons
Le point sur... les Webtoons
Le point sur... les Webtoons

Très honnêtement le scénario et l'univers du manhwa sont un bonheur pour n'importe quel geek, il y a d'ailleurs de fortes chances que son manhwaga (Sung Sang-Young) soit lui-même sérieusement intoxiqué par l'univers vidéoludique. Loin de tomber dans les clichés habituels, l'auteur introduit des aspects souvent bien trop méconnus tant du grand public que celui des joueurs occasionnelles, à commencer par tout les enjeux stratégiques qui ont trait au levelling, ainsi qu'une représentation réaliste des joueurs pros. Par ailleurs, la société coréenne (voire mondiale) est très décriée, que ce soit à travers les pensées des protagonistes, la dimension compétitive prépondérante dans l'éducation ou simplement l'existence telle qu'elle est vécu aujourd'hui. 

Malgré un scénario décollant surtout à partir de la deuxième saison (épisode 87), un dessin simplet et des personnages au rendu un peu kitsch, l'ensemble fonctionne. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si le webtoon en est actuellement à sa troisième saison et semble ne jamais être à court d'idée. En somme c'est un bon moyen de s'immiscer dans le monde du webtoon, surtout qu'il est très aisé de le trouver en français sur la toile.

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V
Pourrait tu faire une critique de Tower of God ? Car j'ai dévoré ce webtoon et l'ai trouvé tellement meilleur que beaucoup de ces manga qui sont si réputés tel que One Piece ou Fairy Tail. Après avoir lu ta critique de ce dernier, que j'ai trouvé très bonne, j'aimerais connaitre ton avis sur quelque chose que j'ai vraiment apprécié.
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C
Je suis justement en train de lire ce Webtoon/manhwa, une fois que j'aurai lu la plupart des chapitres, on y go.
B
Je sais pas si t'étais au courant, mais Delittoon est pas le seul site qui veut vendre des webtoons, Lezhin Comics fonctionne pareil. Peut-être que Delittoon a copié sur lui.
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C
C'est effectivement une possibilité, même si je crois que Lezhin machin soit plus récent, les publications de leur blog datant toute de 2016... Quoi qu'il en soit mon opinion sur le modèle économique adopté ne change pas ; d'autant plus qu'on paie un accès et non un document en tant que tel, bilan si la plateforme supprime un webtoon, on l'a dans l'os, voire à un endroit médicalement dangereux.