La Grande Muraille (la Chine fait son cinéma)

Publié le par Corbeau Moqueur

La Grande Muraille (la Chine fait son cinéma)

Les aventures de William et son ami Pedro le moustachu, nous emmène sur la Grande Muraille de Chine, où après s'être retrouvés emprisonnés par l'armée en place, ils en découvrent l'utilité véritable, à savoir : non pas repousser les mongoles (à en croire le film ce sont juste des barbares mal peignés), mais les Tao Tei, des créatures monstrueuses venus de l'espace pour punir un vieux salaud d'Empereur pris de la folie des grandeurs. Inspiré par le nombre hallucinant de figurants, William se joint à ses geôliers pour éradiquer les envahisseurs. De son côté Pedro puise l'inspiration du côté de Willem Dafoe également sur les lieux, pour tenter de prendre la poudre d'escampette en sa compagnie...

N'ayant pas du tout la production et la médiatisation entourant ce film (à part la polémique concernant Matt Damon dans le casting), je m'attendais à voir un film historique (c'est ça de pas lire le scénario)... En fait, c'est juste une grosse production qui aime balancer des dollars par la fenêtre en opposant des milliers de figurants à des gros monstres en CGI. Donc apparemment ce film se fait démolir par la presse et le reste, mais vous savez quoi, je l'ai bien aimé. Mais on va se calmer tout de suite. La Grande Muraille n'est nullement un film historique, puisqu'il s'agit d'une légende (glissée dans l'introduction pour justifier la disparition de la Mongolie sans doute) consacré au divertissement pur et dur. Alors ce genre de chose rejoint un peu ce j'ai dit pour Gods of Egypt : balancer autant de millions (135 très exactement) dans une telle production pour un truc aussi limité me hérisse toujours, pour autant tout n'est pas à jeter dans ce film.

Scénario limité, bande-son pompeuse, dialogues téléphonés, blagues à trois yuanes, personnages lisses, voire effacés et accessoirement une mise en scène d'un classicisme effarant ; effectivement avec tout ça, on peut parler d'un navet, voire d'un nanar (mais un nanar sacrément cher alors et diablement maîtrisé). Sans compter que beaucoup (trop) ont hurlé lorsque Matt Damon (un blanc !) soit présent dans le casting intégralement asiatique, dommage pour eux sa présence est similaire à celle de Tom Cruise dans Le dernier Samouraï, c'est con. Si La Grande Muraille avait été une production américaine (un équivalent avec fort Alamo et des aliens), je l'aurais descendu avec joie. Dans le cas présent, ce n'est pas mon intention parce que son cas est fait particulier, cinématographiquement parlant.

La B.A. est très nanardesque... mais finalement pas si différente de ce qu'on a coutume de voir, ce qui donne à réfléchir (notez ce jeter de bouclier de Matt Damon)

Bon le film en lui même est un gros divertissement avec des passages complètement crétins (le coup du torero ou de la capture) qui se regarde sans avoir besoin de réfléchir à quoi que ce soit ; les habitués des blockbuster hollywoodiens y verront sans doute les rebondissements mille lieux à l'avance. Ce qui est intéressant avec ce film c'est qu'il est la première méga-production chinoise à ce jour. En général les chinois font des films surtout pour eux et éventuellement, quand ça fonctionne très bien, ils les exportent dans le reste du monde (les productions de Tsui Hark sont particulièrement renommées, je vous recommande d'ailleurs Detective Dee). Dans le cas présent, La Grande Muraille a recopié le modèle hollywoodien pour introduire sa culture dans le monde entier, d'ailleurs afin que cela se fasse au mieux, il y a quelques blancs (surtout un), histoire d'avoir une figure de prou coutumière. Souci du détail, le film démarre avec le gros logo d'Universal, qui n'a non pas produit le film, mais l'a distribué (toute la production est chinoise), en conséquence n'importe quel péquin a l'impression d'assister à un film américain.

Ce gamin, c'est l'empereur et je sais pas pourquoi, mais les personnages de souveraineté sont totalement ridiculisés dans ce film (un problème avec le gouvernement du moment ?)

Ce gamin, c'est l'empereur et je sais pas pourquoi, mais les personnages de souveraineté sont totalement ridiculisés dans ce film (un problème avec le gouvernement du moment ?)

Cet aspect est d'ailleurs loin d'être un détail, puisqu'en général pour qu'un message soit facile à comprendre, il faut qu'il soit simple, ce qui "pourrait" expliquer les énormes ficelles du scénario (Matt Damon qui déboule à l'instant critique, le commandant Lin qui parle anglais, le vieux maître qui claque pile dans ce laps de temps, enfin bon que des trucs éculés), "pourrait" parce qu'on est pas non plus des imbéciles, faut pas déconner. Le réalisateur, Zhang Yimou, est pourtant loin d'être un amateur, puisqu'on lui doit pas mal de productions renommées notamment Hero et La Cité Interdite, reste qu'il a dû profiter de tous ces millions pour se faire plaisir. 

Donc inutile de dire que côté réalisation, l'ensemble est très maîtrisé, les combats sont impressionnants (un peu cirque de Pékin lorsque force bleue attaque), les effets spéciaux réussis (oui je considère que les bestioles sont bien fichues) et la patte artistique très agréable, notamment tout le travail entourant les couleurs. Alors j'ai vu un nombre incalculable de personnes se foutre des couleurs de l'infanterie (Bioman, Power Rangers), sauf que ce genre de chose est courant dans les films de guerre asiatiques (prenez Zu, les guerriers de la montagne magique de Tsui Hark, par exemple) et cela va même plus loin, dans la mesure où dans la Chine ancienne les postes gouvernementaux se rattachaient à des couleurs (liées aux éléments je crois). Autre aspect : la bande-son, elle est très pompeuse, dans le plus pur style hollywoodien avec des grosses percus, des sonorités plagales et des mélodies convenues mais elle utilise des instruments asiatiques. Pas des instruments traditionnels (Guqin, Pipa ou autre joyeuseté), enfin il me semble pas, mais des instruments de facture et joués dans le style chinois, ça paraît rien comme ça, mais c'est intéressant de manifester des différences culturelles sur plusieurs aspects.

Force rose, force jaune, force noire, force rouge et force bleue en plein conseil de guerre

Force rose, force jaune, force noire, force rouge et force bleue en plein conseil de guerre

Le truc le plus frappant du film, c'est surtout le nombre terriblement élevé de figurants (un truc habituel pour les grosses productions chinoises), d'ailleurs la première séquence de bataille sur le Grande Muraille m'a beaucoup rappelé la bataille du gouffre de Helm dans le seigneur des anneaux, surtout que le soin apporté aux décors est indéniable, même si du coup la mise en place des soldats bigarrés prend facilement 5 minutes. Maintenant ce que ce film nous apprend surtout c'est que si la Chine veut se mettre à faire des gros blockbuster ou du divertissement à l'échelle internationale, elle en a le potentiel. La Chine est un mastodonte, qui à l'heure actuelle a la main mise sur le monde et inutile de dire qu'elle a largement les moyens pour égaler voire même surpasser le cinéma américain. 

Pour le reste, c'est du gros divertissement, donc le projet et la démarche sont beaucoup plus intéressants que le film et on aurait tort d'oublier tout ce que cette production implique. Maintenant au demeurant, est-ce que ça vaut vraiment le coup de payer son billet pour voir ça, honnêtement non, surtout pour toute la dimension historique. Vous allez pensez que je fais une fixette dessus, mais en fait même l'intro du film se vend comme tel, à savoir : 1700 ans de construction, 8850km de long, mais pourquoi a-t-elle été construite ? Pour retenir les mongo... pour buter des monstres. 

Publié dans le coffre à bobines, Films

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B
Quand on regarde ce film, les chinois sont très en avance sur le monde : la poudre à canon, les montgolfières et le saut à l'élastique. J'imagine qu'ils cachent leurs voitures volantes maintenant.
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C
Sans doute à côté des nano-puces de terraformation.